La CEDH contre la souveraineté législative des cantons
Dans une affaire Lacatus (rien à voir avec le fameux attaquant roumain…), la Troisième Section de la Cour européenne des droits de l’homme a rendu le 19 janvier 2021 un arrêt dont on a cru pouvoir tirer l’interdiction… d’interdire la mendicité sur le domaine public. Et pourtant, même le Tribunal fédéral avait jugé la loi genevoise, en vigueur depuis 2008 sur ce point, conforme à la Convention européenne des droits de l’homme !
Cet arrêt a provoqué un certain tollé. C’est la moindre des choses.
Le motif, d’abord : l’art. 8 de la Convention, qui consacre le droit au respect… de la vie privée et familiale (cherchez le rapport !). Il faut dire que la Cour n’en est pas à son coup d’essai. C’est en effet déjà sur cette base douteuse que la Cour a cru pouvoir paralyser l’application de l’expulsion d’étrangers criminels dangereux pourtant voulue par le peuple et les cantons.
On voit déjà le problème : au-delà de l’inacceptable « créativité » de la Cour, c’est l’ingérence intolérable de cette juridiction internationale dans la souveraineté populaire, qu’il s’agisse de dispositions constitutionnelles acceptées en votation populaire ou de lois votées par des élus du peuple. On parle de droits de l’homme. Et c’est la démocratie qu’on assassine !
Un autre problème, c’est (une fois de plus !) l’ingérence de juges étrangers dans notre souveraineté législative, particulièrement dans celle des cantons. En 2020, le Grand Conseil valaisan a refusé de légiférer contre la mendicité ; c’était sa liberté et nous ne pouvons hélas que l’accepter. Le Parlement genevois, lui, avait jugé nécessaire de le faire ; et voici que le Procureur général, à cause de cet arrêt de la Cour, vient de prendre la décision tout de même inquiétante, dans un État de droit, de suspendre l’application d’une loi démocratiquement votée. Et après ? Qu’adviendra-t-il de la loi vaudoise, en vigueur depuis novembre 2018 et dont pour l’heure, le Conseil d’État vaudois, lui, refuse de suspendre l’application ?
Ça ne peut pas durer. Mais que faire, sachant qu’en novembre 2018, les Suisses ont malheureusement rejeté notre initiative de limitation « le droit suisse au lieu de juges étrangers » ?
Pour moi, comme parlementaire fédéral, le point de départ, c’est déjà la fidélité au serment que j’ai prêté lorsque j’ai pris ma fonction, « devant Dieu tout-puissant d’observer la Constitution et les lois ». Ce serment nous fait un devoir à nous tous, élus fédéraux : garantir que la Suisse (c’est d’ailleurs ce qui la guette avec l’accord-cadre institutionnel) ne se transforme pas progressivement en une simple colonie de l’Union européenne.
Pour protéger nos libertés et notre souveraineté (c’est un comble, mais c’est la réalité), dénoncer la Convention européenne des droits de l’homme ? Les propositions déposées dans ce sens ont jusqu’ici toutes échoué. Si l’on considère que l’art. 8 de la Convention est devenu un problème, il reste une variante intermédiaire : dénoncer cette convention pour y réadhérer immédiatement, mais avec une réserve concernant cette disposition pour y réadhérer immédiatement, moyennant toutefois une réserve portant au moins sur le droit au séjour et sur la mendicité. C’est ce que mon collègue Yves Nidegger souhaite proposer au Conseil national. Je soutiendrai évidemment cette intervention.
Dans l’immédiat, la Suisse garde un droit pour défendre sa souveraineté et celle des cantons : demander le renvoi de la cause Lacatus devant la Grande Chambre de la Cour. Il est encore temps. Pour le cas où le Conseil fédéral ne l’aurait pas déjà décidé, j’interviendrai moi aussi au Conseil national pour lui demander de le faire.
Jean-Luc Addor
Conseiller national
Vice-président de l’UDC du Valais romand